J'aime bien flâner sur la toile à éplucher les sujets épineux entre internautes, ça m'amuse ! Mais s'il y a un topic sur lequel je trouve que les prises de bec sont les moins passionnantes, c'est bien la crise. Pourquoi? Parce que tout le monde est d'accord sur la source de la source et parce que tout le monde veut le cuisiner ce coupable : la mondialisation!
Quant à moi, je ne lui ferais pas son procès. Ce libre-échange, on l'a fabriqué de toutes pièces de part la nature de nos économies. Je ne pense pas qu'elle soit un choix qui s'offre à nous, elle s'impose. C'est la suite logique du système capitaliste qu'on défend et préserve par dessus tout mais, politique de l'autruche oblige, on refuse tout bêtement d'en voir le revers. Qui plus est, avec les NTIC, le commerce était de toutes manières voué à "s'internationaliser", les réseaux à se mondialiser, les savoirs-faire et les peuples à migrer.
Pour défendre la mondialisation, ce bouc-émissaire que le monde aime détester, un économiste pur (et là je pense à R. Reich) avancerait que la valeur créée dans un réseau mondial provient en effet de la diversité avec laquelle elle opère. Autrement dit, le meilleur de chaque nation fait le succès et la rentabilité du produit final : le réseau s'accapare les meilleurs dans chaque unité de production. Les seuls critères retenus sont ceux de la compétence et du talent où qu'ils puissent se trouver dans le monde, car, toutes nations n'étant pas égales sur un secteur donné, il y aura toujours un pays leader dans ce qui se fait de mieux.
Je suis d'accord si l'on raisonne uniquement en termes économiques. J'insiste sur ce point car la mondialisation a aussi des retombées sociales, politiques, environnementales et Cie. Je ne m'aventure pas dans ces parages car ils soulèvent bien des débats (politiques d'immigration/identité nationale entre autres) qui sont à mon goût surexploités, surmédiatisés, et que je n'aimerais pas alimenter davantage car je trouve qu'ils n'ont même pas lieu d'être.
Je reprends : le libre-échange n'est pas forcément contraire à l'intérêt des citoyens (de tout horizons). Elle apporte (à travers les IDE, délocalisations, etc) des produits et crée des emplois là où cela n'aurait pu se faire autrement. Bien entendu ils s'agit des pays émergents et "en voie de développement". Ce sont les pays industrialisés qui se sentent lésés dans l'histoire, mais après tout, cela n'est synonyme que du début d'une meilleure répartition globale de l'activité économique et des richesses. C'est une forme de concurrence comme une autre. Une concurrence des territoires. A l'occident de s'adapter.
Et puis qui se souciait des perdants quand le système était inversé et que l'occident détenait le beurre, l'argent du beurre et la crémière : la production, les revenus de la production ainsi que les investissements de ces revenus ?
S'adapter sous-entend accepter le changement, l'évolution inévitable des choses. Parmi ce qui matérialise cette évolution et la rend palpable de tous, ne pouvant être niée, se trouvent les multinationales. Elles ont depuis longtemps sonné le glas des firmes "championnes nationales", la fierté du pays. Mais les "nations" ont du mal a assimiler le fait qu'elles-mêmes ont atteint leurs limites dans l'amélioration du bien-être social "national" à travers les seules firmes de chez elles. Elles ne sont pas toujours le moyen d'améliorer la situation locale. Que l'économie chinoise se porte à merveille n'implique pas que le peuple chinois se porte de même. Le lien entre les firmes et les citoyens d'une même nation est de moins en moins étroit.
Cela n'empêche pas qu'attribuer une nationalité à une grosse boîte est un réflexe qu'on a encore aujourd'hui : Ikea est suédoise, L'oréal est française, Siemens est allemande et Zara est espagnole. Pourtant, on a conscience qu'un produit dont les composantes proviennent de divers pays du monde, fabriqué par des salariés de tout horizons, financé par maints investisseurs étrangers et vendu dans les 4 coins du monde ne peut avoir de nationalité. Idem pour la firme ; elle s'implante partout ou son intérêt la guide et emploie qui que ce soit qui puisse lui apporter de la valeur. La nation n'a plus la priorité, le profit l'emporte sur le patriotisme.
Donner une nationalité à une firme ou un produit dans le cadre des réseaux mondiaux n'a donc pas de sens (ni d'importance au fond) si l'on tient compte de cette diversité. Une entreprise ne peut plus se proclamer seule productrice du produit final mais seulement l'une des entreprises du réseau participant à la production.
La vraie question serait plutôt "qui a acquis quoi et qu'est-ce qu'il en fera" (la flemme de trouver formule plus littéraire :-p) puisque c'est ce que les firmes cherchent hors de chez elles. Histoire de compétitivité. Encore. Pas le choix !
Bravo pour l'entrée en matière ! ça c'est du blogging, ma chère !
Mais pour le reste, tu m'as un peu beaucoup niqué le moral parce que mon intelligence a été forcée d'admettre que tu as absolument raison de présenter la mondialisation avec autant de... je ne trouve pas le mot... ce qui confirme en tous cas que ton entrée en matière, c'était tout-à-fait ça.
Mais comme il me reste un brin de combativité altermondialiste, je vais te raconter une histoire qui j'espère te rendra la monnaie de ton impressionnante pièce (de théâtre mondialisé, avec ce petit dessin de l'arbre qui m'a presque achevé)
C'est l'histoire d'un touriste américain qui va visiter un bled paumé dans un pays du tiers monde (je sais, le tiers monde n'existe plus depuis les délocaisations mais ne commence pas à m'interrompre parce qu'on n'interrompt pas un conteur, c'est péché).
Dans un coin du village, il tombe sur l'échoppe d'un ébéniste (genre...) qui fabrique des tables et des tabourets de façon artisanale, évidemment.
L'amerloque voit dans un coin de la pièce trois tabourets finis, tandis que l'artisan est en train d'en fabriquer un autre. Le touriste s'empare d'un tabouret, s'asseoit dessus et là... son derrière lui envoie le signal que le tabouret en question est un chef d'oeuvre d'ergonomie, d'assise, de confort, etc. !!!
Aussitôt, son esprit biznessique fait tilt ! Il voit déjà ces tabourets vendus à au moins cent dollars dans les boutiques chic-ethnique de la 5e avenue ! Bref, la super bonne affaire...
Alors il demande au mec : combien ?
L'artisan lui répond : un dollar pièce...
L'américain, de plus en plus excité par le super bénef en perspective, fait la moue et lui dit : wé, je trouve ça un peu cher mais bon, on va discuter. Alors, dis moi, si je t'en prends par lots de cent pièces, à combien tu me les fait, tes tabourets ?
L'artisan calcule un instant mentalement puis il répond : eh bien, je te les fait à cent dix dollars les cent...
Sur le coup, l'américain est suffoqué. Il demande au type, l'air très contrarié :
Comment ça, cent dix dollars ? c'est pas normal, ce prix là ! Normalement comme je t'en prends une grande quantité, tu devrais me faire une ristourne pour me payer de l'intérêt que tu auras d'avoir du cash en quantité. Et même en admettant que un dollar pièce soit un bon prix vu que t'es un artisan, ok, mais pourquoi ces dix dollars que tu ajoutes au total ?
Et l'artisan de répondre : les dix dolars en plus, c'est pour me dédommager de la peine que j'aurai à produire à la chaîne cent objets identiques, cent objets sans âme, ce qui risquera de me faire perdre la mienne...
Il parait que le touriste US a été rapatrié d'urgence et qu'il est toujours en observation psychiatrique à l'heure ou nous parlons...
Bonne continuation ;-)
Merci très cher! ;-)
Un brin de souci d'équité, d'humanité et de justice manquaient à l'appel dans mon billet. Oui t'as raison :-)
C'est vrai qu'après coup, je trouve que mon post me donne l'air d'une pro-néolibéralisme sans règles ni lois. Hein que ça t'as traversé l'esprit ???
Je te rassure, je sais me faire avocate de la veuve et de l'orphelin quand besoin est :-)
PS : j'aime tes histoires !!!
De rien mon aussi chère, c'est gratuit, justement !
Et puisque tu aimes mes histoires et que tu te solidarises de ces chiens que l'on croit chasser en les frappant d'un beignet (sauf ton respect, je ne fais que traduire et adapter un vieux proverbe marocain que je dois à ma grand-mère), je vais t'en raconter une autre qui lui est liée.
D'abord, je dois préciser que je n'ai pas inventée cette histoire que je dois à un mec qui s'est spécialisé dans la modélisation économique altermondialiste mais comme j'ai prêté son livre à un ami qui a cessé de l'être depuis, je ne me souviens que de son prénom : Serge, je crois bien...
Un jour dans un train, sur la ligne Fès-Casa, j'avais rencontré une chniwla d'universitaire uèssaîenne qui était installée au Maroc le temps d'une recherche sur l'accueil fait par les opérateurs et les consommateurs marocains à l'accord de libre échange entre les USA et le Maroc.
Toute fière de contribuer à une oeuvre aussi majeure et comme j'avais baragouiné quelques phrases en newyorkais brooklynien, elle s'était précipitée pour me demander mon avis à moi aussi.
La pauvre, elle avait été servie !
Encore si elle s'était montrée moins péremptoire, j'aurais été poli, je lui aurais dit un peu ce qu'elle voulait entendre, après tout c'est pas ma gricheuserie antimondialisation capitaliste qui allait faire abroger l'accord en question et je suis trop raisonnable pour nager à contre courant du système dominant...
Donc je lui avais raconté cette histoire en m'arrangeant pour la faire mourir de rire à chaque étape que je faisais durer au maximum, en improvisant carrément une halqa jama&elfienne dans le compartiment, sous le regard vert de dépit d'un universitaire marocain qui voyageait avec elle et qui faisait de son mieux pour décrocher une bourse Fullbright, meskine.
Arrivé à la chute, la mise en observation psychiatrique du touriste affairiste, elle avait cessé soudain de rigoler. Dommage, elle avait un rire délicieux, cette petite yankee du middle west qui m'a fait penser à un mauvais remake de la petite maison dans la prairie.
Et j'avais éclaté de rire quand, la méricaine s'étant éclipsée pour aller respirer un bon coup aux toilettes, son poisson pilote avait soupiré, abattu par mon petit numéro de cirque : wa &ayyaqti a Sahbi !
Je prends certes le TGV en marche mais le plus ardu, en tant que nouveau visiteur, a été de choisir le billet à commenter car ils sont tous d'excellente facture.
Celui ci m'a captivé, probablement à cause de mon profil économiste international. Je te soumets mon avis à ce sujet : La planétisation des marchés a pour inconvénient majeur que le meilleur disant est astreint à comprimer les charges à commencer par le volet social et à acheter ses intrants auprès du moins disant qui, à son tour, réduit les salaires à leur plus strict expression.
Au final, la création de richesse s'accompagne de la paupérisation des réservoirs de main d'oeuvre, déjà largement mises à mal par l'informatisation et l'outil cybernétique.
Le pire est que le système, qui se nourrissait auparavant de l'accroissement de la demande, a continué à sécréter des offres de consommation a priori accessibles aux riches uniquement. Un temps de latence a été aménagé par l'ère publicitaire mais la vulgarisation du marketing l'a privé progressivement de ses pouvoirs de prestidigitation.
Ce que l'on a nommé "la mondialisation" découle logiquement de l'Après Yalta et du partage du monde par les "vainqueurs" de 1945. La Pax americana veille sur son Empire commercial tandis que les ex membres du COMECON se sont convertis à leur propre vision du caitalisme.
Un exemple frappant de ce mode d'évolution via le gigantisme et l'installation de comptoirs est représenté par la dynamique du Commonwealth, hier tout puissant, aujourd'hui relégué au rang de relique tout juste bonne à figurer dans un musée de la betise humaine.
J'ai la sensation tenace qu'ainsi ont disparu bien des civilisations qui ont sacrifié l'indépendance d'un régime d'autosubsistance de proximité sur l'autel de la conquete tous azimuts des ressources d'autrui.
Je ne prone pas l'isolationnisme autant que je promeus la consommation intelligente et la modération des besoins. Je ne vois pas la valeur ajoutée de pouvoir déguster des fraises ou des raisins en hiver alors que plus d'un milliard de mes semblables n'ont pas accès à l'eau potable.
Le leitmotiv qui devrait nous inspirer en ces temps annonciateurs de cataclysmes majeurs me semble se résumer ainsi "On ne peut avoir la bouche en Asie, les yeux en Europe, l'estomac en Afrique et prétendre garder la tete sous le sable" :)
Je reviendrais souvent.
Le consommateur voit grand dorénavant, le monde n'est plus qu'un grand marché à ses pieds. La hiérarchie des besoins (envies plus que besoins) sous-tend la consommation intelligente. Or cette hiérarchie n'existe plus. Le sentiment de frustration chez le consommateur a trop bien été cultivé pour qu'il fasse la distinction :-)
Bienvenue ! :-)